dimanche 22 décembre 2013

GYM - BURNING LADY (acoustic) @ ROCK BABY FEST, LE BISTROT DE ST SO, LILLE, FR - 22/12/2013

On est dimanche 22 décembre. Il y a 11 ans disparaissait Joe Strummer. On est aussi à 3 jours de Noël. Autant dire que venir à Lille un dimanche d’avant-veille de Noël, c’est tout un périple. Heureusement, il y a le Rock Baby Fest. Hasard heureux du calendrier ou date délibérément choisie en mémoire du grand Monsieur Strummer ? En tout cas, ça tombe plutôt bien. Ça commence tôt, vers 16h00, et ça finit tôt, vers 18h00. C’est déjà la 7ème édition de ce festival lillois pas comme les autres. Comme son nom l’indique, il s’agit d’un festival destiné aux enfants, et à leurs parents bien sûr. Ici, point d’Henri Dès, ni d’Anne Sylvestre, ni de Chantal Goya, mais des groupes déjà connus de la scène régionale, des animations, des jeux et des bambins ! Ça se passe au Bistrot de St So, lieu hautement recommandable, qui à chaque fois que j’y mets les pieds me fait envier les lillois de posséder un tel équipement. Une fois à l’intérieur, on est ailleurs. Berlin, Londres ou quelque part en Europe. Il y a un esprit particulier. Ça n’est pas une institution coincée entre son design clinquant ou son architecture précieuse post moderne, c’est un lieu recyclé, un ancien entrepôt ferroviaire, des briques et des baies vitrées, un bar au comptoir tout en longueur, où il est agréable de poser le coude. C’est sans doute, avec le Tripostal, ce que Lille3000 a su le mieux pérenniser de ses reliques industrielles mises en valeur, provisoirement à l’origine, lors des festivités de Lille 2004. Il y a aussi une belle grande scène, un espace de jeux aux murs recouverts de noir d’ardoise où les kids peuvent s’éclater à dessiner ce qui pour nous ne seront que des patates écrabouillées, mais qui sont pour eux des Spider-man, des lapins ou des crapauds. Ici on a compris que le public des concerts ou des événements culturels vieillissait et que devenu parent, il avait besoin d’un nouveau concept adapté. A l’anglo-saxonne quoi. Enfin. Il était temps de piger ça. Nos voisins européens ou nos cousins d’outre atlantique ont compris ça il y a des lustres et cela a contribué à éveiller et épanouir des milliers de kids qui devenus ados se sont mis à écumer les festivals, à la grande surprise de nous autres pauvres français dont les préjugés « cultureux » des générations précédentes, excluaient le rock, les sous-cultures des repères habituels. Bref, je surkiffe le St So ! 

Cette édition 2013, la 7ème déjà mine de rien, propose 2 groupes. L’un est connu depuis quelques années maintenant, l’autre fait son entrée dans la cour des grands mais ses membres sont d’illustres musiciens du cru ayant déjà longuement fourbi les armes dans des groupes aux succès mérités et au background hautement respectable. Il y a déjà du monde à 16h. Il y a quelques enfants accolés à la scène et des parents sagement assis, sirotant leur Jupi ou leur Jade à 3,50€ (je trouve ça un poil cher tout de même !). Le groupe qui ouvrira le bal c’est BURNING LADY. J’ai déjà vu ce groupe il y a 2 ou 3 ans à Arras lors du Festival du Porte Voix, annexe musicale du Salon du 1er Mai, salon du livre et de la critique sociale (où tout le monde critique la société mais vend son bouquin, son merch à prix capitaliste !, Mais cela est une autre histoire.) et j’en ai un souvenir mitigé. Le groupe évoluait dans un sweet-street-punk, avec des singalongs de bon aloi, des « who-hohooo » bien sentis et une frontwoman qui assurait plutôt bien son rôle. Mais j’ai souvenir aussi de titres très répétitifs, qui ne se distinguaient pas toujours les uns des autres. Au final, je suis assez content de les revoir, même dans ces conditions particulières, histoire de voir où ils en sont, surtout depuis qu’ils tournent beaucoup, en France et en Europe. Et c’est une belle évolution musicale qui m’attend. On n’est pas dans du crust ni du punk à iench ici, mais pas non plus dans du mall-punk ou de la soupe-pop-punk. Non, on est dans un registre qui allie sensibilité punk, éclaircies folk, powerpop de haute volée, ouvertures vers un poil de ska ou de reggae à la Clash. Les BURNING LADY sont en version acoustique aujourd’hui, histoire de s’adapter au concept et aux oreilles de nos chers bambins. Moi aussi je suis venu en famille. Bah oui, je suis aussi un daron maintenant et comme on ne se refait pas, j’emmène notre princesse rock là où il faut. Le trio (le 4ème membre est aux manettes de la console il me semble) va proposer des versions acoustiques des titres de son album. C’est évidemment moins rageur et moins urgent, mais ça fonctionne, parce que leurs chansons sont de vraies chansons. Y’a pas de mystère, quand c’est bien composé, ça marche, que ça soit avec un accordéon, un piano à queue ou une guitare folk. Chaque titre joué est entrecoupé d’un récit, épisode d’une histoire sans doute inventée pour l’occasion, qui raconte l’odyssée d’une araignée. Ça fonctionne aussi plutôt bien et les bambins du 1er rang (dont ma fifille) adhèrent. On sent le trio bien rôdé, bien en place et la scène est leur terrain de jeu. N’empêche qu’il y a ce truc bizarre de « spectacle pour enfants » qui pourrait gêner aux entournures. Qu’importe, et même, tant mieux ! Si tous les spectacles pour enfants du monde pouvaient avoir cet aspect, cette couleur, ces envolées fiévreuses et ces backing vocals à reprendre en chœur, il y aurait sans doute moins de traumatismes provoqués par des intermittents avec un BAFA et une admiration sans bornes pour Goldman ou Zaz (et merde, j’ai placé Zaz dans mon report !). Le set des BURNING LADY est court, efficace et plutôt bien amené. J’ai aimé l’adaptation de leur univers à un public avide de rires, de sourires, de bonne humeur, de plaisirs primaires. L’expérience a porté ses fruits et les parents semblent aussi avoir apprécié. 

Pendant le changement de plateau, je me retrouve à discuter avec d’éminentes personnalités du réseau musical local. Manière enjolivée de dire amis activistes importants de la scène. Je croise Jérémy, on discute de la situation des bars concerts, du GEMAL (collectif crée suite aux menaces de fermetures administratives de plusieurs lieux de concerts occasionnels lillois). Je croise Bastien (Tang, Persian Rabbit), on cause musique, souvenirs, famille, 90’s, scène actuelle. 

Puis le second groupe démarre. Il faut dire que nous sommes là en grande partie pour eux, les GYM. Depuis quelques semaines, on ne parle que d’eux, on sent le buzz monter, on sait qu’il se passe un truc autour de ce nouveau groupe. J’avais reçu leur EP avant sa sortie, il y a un mois ou deux. On me demandait mon avis. J’avais su rester hyper objectif et ma foi, plutôt sensible à la démarche. GYM, c’est un trio lillois. Les membres sont tous issus de diverses formations. Le bassiste, Nico, officiait dans les regrettés BLY, groupe qui a inspiré, influencé toute une génération de musiciens de la région, c’était dans les années 90, début 2000. Le batteur c’est Nicolas Bertin, déjà vu dans d’innombrables combos plus ou moins underground. Un bosseur. Un mec passionné. Et talentueux. Ce soir il joue sur une batterie électronique avec pads et loops. Le gars est métronomique au possible. Rien ne dépasse, c’est hyper calibré au millimètre. Quant au chanteur, Jérôme, il est aussi la voix de ROKEN IS DODELIJK. Je ne connaissais pas trop ce groupe mais j’avais suivi de loin leurs pérégrinations musicales (et quelques passages radios sur France Inter notamment). Cette voix un peu éraillée mais douce, un peu charbonneuse, vaporeuse, comme un matin d’hiver. Une voix particulière, une vraie signature vocale qui ne laisse personne indifférent. Pour parler peu, parlons bien. J’attendais ce groupe au tournant. Me méfiant comme de la peste des « projets » musicaux, me méfiant de l’aspect dance très formaté de beaucoup de productions actuelles. Mais comme lors de l’écoute de leur EP, j’ai retrouvé une touche très personnelle. Le passif musical du trio sert à merveille un univers certes dansant mais hautement référentiel. Pour simplifier le fond de ma pensée, je dirais que GYM reprend les affaires là où un groupe comme Radio 4 les a laissées. C'est à dire que GYM redonne au rock son essence "Dance", son indispensable nécessité à faire bouger. GYM s'exprime en anglais. Les beats sont entre électro-rock et rock 80's. C'est aussi dû à la batterie électronique. On pense bien sûr à M83, on pense à New Order, on pense à la New Wave des 80’s, au Cure aussi, on est également dans des valeurs actuelles plutôt rock, à l’anglaise, ou à la belge, malgré l’absence de guitare. Je ne pensais pas qu’un jour j’aurais apprécié un groupe sans guitare ! Le traitement sonore de la basse, les boucles de claviers, l’ensemble des arrangements, pourtant simples, comblent le manque et je suis étonné de la qualité en live. Là aussi le groupe a adapté (avec moins de sérieux et plus de dérision) son set au concept. Jérôme, le chanteur, enverra ses petites blagues en direction des enfants, qui ne comprendront pas ses allusions, mais qui feront rire les parents (« Les enfants, savez-vous faire l’hélicoptère ? Non, vos papas vous expliqueront ! ». Ben voyons…). Les kids sont de plus en plus nombreux et montent sur la scène, bougent (le verbe danser étant un peu présomptueux), participent à ce spectacle avec enthousiasme, preuve que donner du rock, de la musique de qualité aux enfants, leur fait du bien ! A mi-parcours du show, on comprend alors toute l'attention qu'a suscité le groupe. C'est déjà très bon, très en place, maîtrisé d'un bout à l'autre. Ces garçons connaissent l'alchimie et les algorithmes, connaissent le binaire sans jamais êtres primaires. Je leur prédis un bel avenir. Peut-être seront ils le premier wagon accroché à la locomotive SKIP THE USE pour tirer vers le haut notre scène musicale régionale, dans les médias nationaux et internationaux (parce que nous dans le nord, on connait nos valeurs sûres et la richesse de notre scène musicale). La fin du show ressemble à un concert hardcore où tout le Crew est sur scène. Sauf qu’ici, ce sont des marmots, qui s’intéressent plus aux ombres portées sur le mur du fond de scène, aux spots bleus, aux pieds de micros sur le côté qu’au groupe. C’est un tableau surréaliste, dans lequel tout semble échapper au contrôle, c’est désorganisé, c’est bordélique mais tellement spontané et bourré d’énergie enfantine que ça en devient génial. Aucun débordement pourtant, ça reste dans les clous et ça ressemble presque à un clip vidéo. Fin du spectacle. Le groupe a convaincu. 

Place au Père Noël, aux jeux d’estaminets installés vers la sortie. Il y a du monde, c’est blindé, intergénérationnel et pluriculturel. On peut appeler ça un succès. Chapeau à l’asso organisatrice et au St So. Les esprits de Noël et de Joe Strummer planaient incontestablement cette fin d’après midi, pour le plus grand plaisir des grands et des petits, comme on dit. Vivement la 8ème édition!

**Chris Hamilton**

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