J’ai
grandi dans une petite ville assez moisie. Annonay, que ça
s’appelle. C’est la commune la plus « peuplée »
d’Ardèche. Patrice Leconte a jadis tourné un film là-bas,
« l’Homme du Train », avec Johnny Hallyday et Jean
Rochefort (éwi) ; au cours d’un making-of, il a expliqué
qu’il avait choisi cet endroit pour « ses rues sombres et
sales ». Voilà, c’est là où j’ai passé mes seize
premières années.
Pendant ce temps, à
quinze minutes en voiture de cette riante cité, il était une autre
ville. Tassée au creux d’une vallée au fond de laquelle la Lône
et le Rhône se rejoignent, figée dans un face-à-face vieux de 223
ans avec l’Isère, se dressait la grande Serrières. Avec son pont
suspendu bleu cyan du plus bon goût et sa décoration « joyeux
Noël » que la mairie n’a pas une seule fois décroché de
mon enfance.
Et en Serrières était
une famille, que dis-je, un clan : les Follain. C’est à cette
fratrie et à son entourage que l’on doit des projets musicaux
comme les Uncommonmenfrommars, les Pookies, les Sons Of Buddha,
Annita Babyface & The Tasty Poneys ou encore AG Sugar pour les
plus attentifs. Je ne vais pas faire la liste exhaustive des tous les
groupes auxquels un Follain a participé non plus, on aurait le temps
d’écouter The Decline.
Tout comme je suis
souvent heureux qu’un mec né dans le même pays que moi coure plus
vite qu’un autre, vous me direz que je dois être fier d’avoir
grandit si près ces merveilles sonores? Eh bien, non. Annonay
était bien trop nécrosée pour me faire ressentir la moindre once
d’appartenance.
Et autres pensées du
même goût qui m’accompagnaient au moment de descendre dans la
cave du Fiacre, à Bordeaux. On m’a soufflé pour la petite
histoire que c’est la salle qui a vu naître la légende de Noir
Désir. Ce lundi soir, c’est Forest « Pooky » Follain
qui s’offre en spectacle amplifié, accompagné de Kepi Ghoulie et
de Corentin. Tout ce petit monde a ramené ses plus belles guitares
en bois pour une douce soirée acoustique.
C’est le jeune
Corentin et son capodastre qui ouvre. Un peu timide, mais une jolie
voix assez atypique et des compos plus que correctes. Ça frôle
parfois la varietoche, notamment sur les premiers morceaux du set,
mais ça finit toujours pas retomber sur une folk punk mélancolique.
Je ne m’ennuie pas et je me rends compte que c’est quand même
bien agréable de ne pas avoir de bouchons d’oreilles à un
concert, mais que les gens ne se gênent pas pour parler très fort
pendant que le lucky guy play. On écoute de la musique, ici, mec, si
tu veux discuter de ta dernière cuite tu peux remonter.
Le papy Kepi Ghoulie
prend la relève ; fondateur en 1983 des Groovie Ghoulies à
Sacramento, CA, il a abreuvé pendant des décennies le monde
d’histoire de monstres sur fond de pop punk ramonesque. Reconverti
en solo après le breakup de son groupe de toujours, il a aussi
notamment enregistré des albums de chanson pour enfants, c’est te
dire à quel point le mec est plus cool que toi. Lui et Forest sont
en tournée ensemble depuis un certain nombre de dates et ont sorti
un petit split pour l’occasion, « Forgetting Things ».
Il est des musiciens qui
me font toujours sourire de tout mon ratelier pendant leur set ;
Flow, les Apers… et Kepi Ghoulie. Il sue la bonne humeur, et on ne
peut faire autrement que se laisser embarquer par cette joie d’être
sur scène. On n’est pas Papy Punk Rock pour rien. Après avoir
chanté quelques requêtes des premiers rangs, son compagnon de route
Forest le rejoint avec sa fantastique guitare pour quelques soucis
techniques et morceaux, où un tambourin est confié au public.
Têtes d’affiche de
cette soirée débranchée, c’est ensuite au tour du Sieur Pooky et
de sa barbe de rester seuls sur scène. Loin d’une folk punk
habituelle, l’Ardéchois fait fi des conventions habituelles du
genre, notamment au niveau des accords utilisés et des progressions
harmoniques souvent surprenantes, mais aussi par rapport à
l’interprétation acoustique en tant que telle : la chanson
« Heart & Faith », par exemple, jouée en grande
partie sur une seule corde.
Le
coffre du bonhomme est impressionnant, et ça piaille beaucoup moins
dans le public. Ça chante en chœur sur Lullabies,
Our Greatest Times Won’t Disappear, Rooftops, I Have Been Kidnapped
By Aliens Who Cut My Hair (merci David Basso pour les clips). «Je
vous le dis, je sais pas pour vous, mais moi je passe un super
moment. C’est cool ». Il y a en effet une super ambiance, et
chacun prend son mal en patience lorsque qu’une corde se brise. «Si
c’est comme d’habitude, yen a une deuxième qui devrait lâcher
juste derrière ». Prophétie réalisée deux morceaux plus
loin. Kepi revient une nouvelle fois sur scène pour que le duo
finisse d’interpréter les morceaux restant du split. Une troisième
corde de pétée plus tard, et on fait tirer en longueur le plus
possible ce concert qu’on a toujours pas envie de voir s’achever.
Quand
enfin, hélas, les guitares sont reposées, une queue va de suite se
former devant le stand de merch, où Kepi vends même quelques-unes
de ses aquarelles. Il y avait du monde, il y avait de l’ambiance et
plein de belles chansons. Encore merci à Rock’n’Roll Agreement
pour nous avoir proposé ce beau plateau. **Marc Tranchant**
y a des photos ici une vidéo ici
y a des photos ici une vidéo ici
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire